12 mars 2018 0 13404 Vues

Plan Lyme : Christian Perronne

Spécialiste de la maladie de Lyme, le médecin infectiologue Christian Perronne a contribué à l’élaboration du protocole de soins qui devrait être rendu public en avril. Il sera à Aurillac, jeudi 15 mars, pour une nouvelle conférence. 

Le protocole national de diagnostic et de soins promis dans le plan Lyme, lancé en septembre 2016 par Marisol Touraine, alors ministre de la Santé, sera dévoilé dans les prochaines semaines. Pour les malades comme pour les médecins, ce sera « une grande avancée », promet le professeur Christian Perronne, spécialiste de la maladie de Lyme et membre du groupe de travail chargé d’élaborer les nouvelles recommandations.

Le nouveau protocole de soins était annoncé pour juillet 2017. Pourquoi un tel retard ?

Il a fallu prendre le temps de trouver un consensus sur les recommandations. La dernière réunion du groupe de travail a eu lieu le 8 mars. Nos conclusions doivent encore être validées par le collège de la Haute autorité de santé, puis par le ministère de la Santé. Le protocole devrait être publié avant la fin du mois d’avril. Ensuite il faudra qu’on travaille avec des infectiologues pour décliner toutes les recommandations.

En quoi ce protocole changera-t-il la vie des malades ?

Je suis convaincu qu’il va améliorer leur prise en charge. D’ailleurs, c’était le but des pouvoirs publics, des médecins et des sociétés savantes au lancement du plan Lyme : qu’on puisse avancer ensemble, qu’on arrête de dire : « Ce que fait l’autre, c’est n’importe quoi ! » et surtout qu’on réalise qu’il y a des patients en grande souffrance. Des données scientifiques nouvelles vont arriver.

Si les médecins voient qu’ils peuvent avancer dans un cadre déterminé, qu’ils peuvent sortir de la clandestinité, qu’ils n’auront pas de problème avec leurs collègues, ni avec le conseil de l’Ordre des médecins, ni avec l’Assurance maladie, ils vont bouger. Ce nouveau protocole, c’est une grande avancée. Il est loin d’être parfait, il pourra y avoir des critiques sur tel ou tel point, mais un processus dynamique est lancé. Il sera réévalué tous les deux ans.

Le protocole définira-t-il le traitement idéal ?

Non, parce qu’aujourd’hui nous sommes incapables de dire : « Le meilleur traitement, c’est celui-là ». Par exemple, il n’y aura pas de maximum pour la durée d’un traitement antibiotique. Ça sera laissé à l’appréciation du médecin. On ne peut pas fixer un maximum pour la simple raison qu’il n’y a pas eu de recherches sur Lyme pendant trente ans. On n’a pas de données, toutes les études qui ont été faites  se sont limitées à trois mois. Maintenant, on va pouvoir surveiller les malades, enregistrer les pratiques, voir ce qui marche le mieux… C’était l’objectif du groupe de travail, encadrer ce qui se fait actuellement pour essayer d’évoluer. Notre démarche est pragmatique, elle laisse la porte ouverte… Et ça me va bien.

Un encadrement avec quels moyens ?

Justement, on ne sait pas. Et c’est ce qui me fait peur. Enregistrer les informations et alimenter des bases de données, ça demande du temps. Seulement dans les services des maladies infectieuses, on ne fait pas que du Lyme ! Donc il faudra de la main-d’oeuvre. Pour la recherche pure et dure aussi, par exemple si on veut évaluer une stratégie sur une période précise, il faudra des financements, . Sans moyens importants, ça ne sera jamais bien fait. Bien sûr, ça va coûter cher au début. Mais après, l’Etat fera des économies, parce que ces malades seront mieux gérés.

Ça coûte cher, un malade en errance pendant quinze ou vingt ans. Il y a les arrêts de travail, les hospitalisations à répétition, les centaines de scanners, d’IRM, d’analyses biologiques, les tonnes d’antidépresseurs, les kinés… Tout ça cumulé, ça finit par faire des sommes astronomiques. Avec la reconnaissance de la maladie, les chercheurs en économie de la santé pourront faire des évaluations. Jusqu’à maintenant, il n’y en a pas eu puisque ces malades n’existent pas !

Votre précédente conférence à Aurillac date du 29 juin 2017. Tiendrez-vous les mêmes propos le 15 mars au centre de congrès ?

Ça sera un peu différent. Depuis le mois de juin, il y a eu de nouvelles références scientifiques prouvant l’existence de la maladie de Lyme chronique, donc j’insisterai là-dessus. Il y a aussi des publications connues, que je n’avais pas assez mises en évidence l’an dernier et qui démontrent la persistence de signes cliniques chez beaucoup de patients après les trois semaines officielles d’antibiotique. On recense au moins une quinzaine de publications qui retrouvent la bactérie Borrelia chez des hommes ayant bénéficié d’un traitement de courte durée. Toutes les données se recoupent, donc ne peut plus dire que le Lyme chronique n’existe pas.

Le professeur Christian Perronne animera une conférence sur la maladie de Lyme jeudi 15 mars, à 20 heures, dans l’atrium du conseil départemental, à Aurillac. Entrée gratuite.

Une guérison rarement à 100 %

Le 31 janvier 2017, le pôle santé publique du parquet de Paris a été saisi d’une plainte contre X pour tromperie aggravée. La plaignante est une Aurillacoise révoltée par l’inefficacité des test de dépistage de la maladie de Lyme. Handicapée par une fatigue extrême, cette Cantalienne avait rencontré le professeur Christian Perronne au terme d’une longue errance de diagnostic. Pendant dix mois, elle a bénéficié d’un traitement antiobiotique hors protocole, prescrit par le médecin infectiologue.

Une Cantalienne saisit la justice

Aujourd’hui, elle va mieux et reprend progressivement son activité professionnelle. « Je suis comme avant », dit-elle. Comme avant, ou presque : faute de concentration, il lui est toujours impossible de conduire longtemps.

Il est fréquent de ne pas voir une guérison définitive à 100 % », relève le professeur Perronne.  « On voit des gens qui gardent toujours une petite fatigue. On en voit d’autres qui reprennent une vie normale, mais qui ont des crises, plus ou moins longues, plus ou moins régulières. Ils sont fatigués, ils ont des troubles de la mémoire… « Ça montre que la Borrelia est toujours là, même si elle est sous contrôle ».

Isabelle Vachias

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