Article de la Croix : Les avis des « pro » et des « anti »Lyme

La Croix ne se mouille pas, ne fait pas de « point » nouveau,  il récite les couplets que nous connaissons tous….

A noter : les affiches de Lyme sans frontières exposées à Nancy lors de la conférence du Pr Perronne en 2018

https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Sciences-et-ethique/cetait-maladie-Lyme-2019-02-05-1201000295

Des infectiologues s’alarment du fait que certains médecins diagnostiquent « à tort » une maladie de Lyme à leurs patients.

Étude d’une tique vecteur de Lyme dans un laboratoire de l’Anses / LAB. SANTÉ ANIMALE-ANSES/PHANIE

« C’est avec mon cœur de maman que je vous parle. » Au bout du fil, on sent une émotion palpable, à vif. « Pendant sept ans, ma fille n’a vécu que douleur et souffrance », explique Virginie en racontant le parcours d’Élodie (prénom d’emprunt), aujourd’hui âgée de 23 ans. Sa vie a basculé quand elle était au lycée. « Ma fille s’est mise à développer différents symptômes : des infections urinaires, des maux de tête, des douleurs articulaires, une paralysie de la jambe… Au total, on a dû consulter une trentaine de médecins qui, tous, ont conclu que ma fille n’avait rien, que c’était dans sa tête », raconte Virginie.

Et puis un jour, élodie a été orientée vers le professeur Christian Perronne (1), chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine). « C’est lui qui nous a dit que c’était bien une maladie de Lyme. Et il a mis ma fille sous traitement pendant un an et demi. Ce qui lui a sauvé la vie. Car même si elle a rechuté récemment, elle va nettement mieux. »

Face aux tiques, pas de panique


Des histoires comme celle-là, il s’en raconte des dizaines dans les associations de patients. Des récits de « retour à la vie » de patients ballottés de généralistes en spécialistes. Sans réponse à leurs problèmes de fatigue, de douleurs diverses, de troubles intestinaux, de pertes de mémoire, de palpitations… « C’est psy », leur ont répété les médecins. Jusqu’à ce qu’un jour, un ami, un parent, un médecin ou Internet finissent par leur faire la suggestion décisive : et si c’était une maladie de Lyme ? « Des appels de personnes qui se posent cette question, on en a plus de 150 par mois », explique Nathalie Torres, vice-présidente de l’association France Lyme.

« Certains médecins se comportent comme des escrocs »

De leur côté, les infectiologues, dans leur immense majorité, s’inquiètent de cette « Lyme-mania » qui s’empare de ces patients aux symptômes inexpliqués. « Certains médecins se comportent comme des escrocs en leur faisant croire qu’ils ont une maladie de Lyme », lance le professeur Jean-Paul Stahl, chef du service des maladies infectieuses du CHU de Grenoble. « On est dans la duperie et l’irrationnel », ajoute Marc Gentilini, président honoraire de l’Académie de médecine. « Et tout cela se déroule sur un fond de complotisme, avec cette idée qu’il y aurait une épidémie qu’on voudrait cacher », soupire le professeur Éric Caumes, chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris.

La maladie de Lyme est provoquée par une bactérie transmise par une piqûre de tique. Dans 95 % des cas, l’affection se manifeste, entre trois et trente jours après la piqûre, par un érythème migrant, c’est-à-dire une tache rouge indolore. « Dans la quasi-totalité des cas, on guérit alors le patient avec deux à quatre semaines d’antibiotiques, parfois un peu plus », indique le professeur Yves Hansmann (2), chef du service des maladies infectieuses du CHU de Strasbourg. Sans traitement, la maladie peut évoluer vers des symptômes dermatologiques, articulaires, cardiaques, ophtalmologiques ou neurologiques. Dans ce cas, le diagnostic passe notamment par des tests sanguins à la fiabilité controversée. Mais le traitement reste le même : entre 21 et 28 jours d’antibiotiques.

Des associations militent pour la reconnaissance de la maladie de Lyme chronique, dont l’existence est contestée par de nombreux infectiologues. / Alexandre MARCHI/L’EST REPUBLICAIN/MAXPP

Le débat actuel porte surtout sur des patients qui, depuis plus de six mois, présentent le plus souvent des douleurs, une forte fatigue ou des troubles cognitifs. Certains médecins, minoritaires, affirment qu’il peut s’agir d’une forme chronique de la maladie de Lyme. Et pour la traiter, ils proposent des remèdes parfois au long cours, comprenant en général des antibiotiques, des antiparasitaires ou des antifongiques. La figure de proue de ces « Lyme doctors »est le professeur Perronne. Un infectiologue qui, pendant des années, a occupé des postes importants. Et qui, désormais, fait figure de « sauveur ultime » pour nombre de patients en errance. « Pour ma consultation, il y a plus de deux ans d’attente. Je reçois des patients de la France entière et même de l’étranger, confie-t-il. C’est très difficile pour ma secrétaire. Elle passe son temps au téléphone avec des gens qui lui disent qu’ils vont se suicider s’ils n’ont pas de rendez-vous. »

« Dire, que, oui, ils ont bien une maladie de Lyme, c’est déjà une partie du traitement »

Le professeur Perronne affirme qu’il guérit « complètement ou partiellement »environ 80 % de ses patients. Ce qui laisse sceptique l’immense majorité de ses confrères infectiologues. « Ces ”guérisons” relèvent surtout d’un effet placebo », dit l’un. « Rien que le fait de dire à ces patients, que, oui, ils ont bien une maladie de Lyme, c’est déjà une partie du traitement », ajoute un autre. Des infectiologues parfois sévères avec ces « Lyme doctors » qui, selon eux, soignent bien souvent des maladies de Lyme qui n’en sont pas. « Certains patients sont parfois traités avec des antibiotiques pendant un an ou deux. Ce qui n’est pas sans risque », s’insurge le professeur Caumes qui, comme ses confrères, reçoit de nombreux patients persuadés d’avoir la maladie de Lyme.

L’Académie de médecine tique face aux recommandations officielles

Pour en avoir le cœur net, ce praticien a monté entre 2014 et 2017 une étude sur 301 patients ayant consulté pour une suspicion de Lyme. « On a pu établir que seulement 9,6 % d’entre eux étaient bel et bien atteints de cette pathologie. Et dans 80 % des cas, on a diagnostiqué autre chose : des problèmes psychologiques ou des maladies rhumatologiques, musculaires, neurologiques, des apnées du sommeil… », détaille le professeur Caumes. Aux CHU de Strasbourg et de Nancy, les médecins ont établi que seulement 15 % des patients venus consulter pour un Lyme en sont atteints.

« Il reste des inconnues scientifiques »

Des chiffres qui n’ébranlent pas les « Lyme doctors »« Mes confrères ont des œillères », affirme le professeur Perronne. « On ne peut rien conclure des études actuelles car elles sont discordantes. Il reste des inconnues scientifiques autour de cette pathologie, et ces infectiologues devraient le reconnaître », ajoute Thierry Medynski, généraliste et membre de la Fédération française contre les maladies vectorielles à tiques.

Dans le camp des infectiologues majoritaires, le professeur Hansmann se dit ouvert au dialogue mais aussi effaré « par le nombre de contre-vérités » qui circulent autour de cette maladie. « Peut-être que cela doit amener à réfléchir sur notre médecine de plus en plus technique mais qui n’arrive pas toujours à écouter ces patients aux symptômes parfois difficiles à décrypter. Il ne s’agit pas de malades imaginaires, mais de gens qui souffrent vraiment de quelque chose. Mais pas de la maladie de Lyme dans bien des cas. »

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► Un SPPT qui fait débat

Les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) : à propos des patients en errance, cette instance a évoqué en juillet la piste d’un SPTT (symptomatologie/syndrome persistant(e) polymorphe après une possible piqûre de tique).

Les critiques des infectiologues : selon eux, ce SPPT est une « manière de reconnaître l’existence d’une forme chronique de Lyme alors qu’il n’existe aucune donnée scientifique dans ce sens », affirment-ils. « Notre but est d’offrir une solution pragmatique à ces patients, en les incitant à faire un bilan complet pour savoir s’ils sont ou non atteints de la maladie de Lyme. Nous souhaitons aussi encadrer les prescriptions pour éviter des traitements inappropriés », répond Estelle Lavie, chef de projet à la HAS.

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