20 juin 2018 0 4018 Vues

Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire 19 juin 2018

Maladie de Lyme : clarification dans le grand bazar des tests diagnostiques

Comme les autres pays, la France fonde le diagnostic de maladie de Lyme sur un ensemble d’arguments cliniques et épidémiologiques, autant que biologiques. Le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire revient sur les différents tests diagnostiques disponibles dans la maladie de Lyme et clarifie la validité des données scientifiques disponibles.

D’après le dernier Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (BEH), la revue de Santé publique France, le diagnostic de la maladie de Lyme doit toujours être réalisé sur un faisceau d’arguments qui prend en compte la présentation clinique, le contexte de survenue et les examens biologiques. Un test biologique positif isolé, ou avec une symptomatologie non spécifique, n’a pour le BEH pas de valeur diagnostique.

Une position largement contestée par certaines associations de malades qui considèrent que les tests biologiques actuels ne sont pas assez sensibles ou que des douleurs chroniques doivent être traitées par antibiotiques au long cours si un test biologique est positif, quel qu’il soit.

L’examen biologique seul n’affirme pas le diagnostic

Un examen biologique seul ne peut pas suffire pour poser le diagnostic car 95% des personnes qui font une conversion sérologique après une morsure de tique infectante n’auront aucun signe clinique et ne seront pas malades. De plus, toutes les morsures de tiques ne sont pas infectantes.

A un stade de début, il faut évoquer cette maladie devant l’apparition d’une plaque rouge siégeant principalement aux membres inférieurs, du printemps à l’automne, chez quelqu’un qui a eu une morsure de tique ou qui va souvent en forêt.
A un stade plus tardif, il faut évoquer cette maladie devant des signes d’atteinte d’un ou de plusieurs organes (peau, articulations, muscles, cœur et système nerveux) chez les professionnels travaillant en forêt, les campeurs, les chasseurs, les golfeurs, les pêcheurs, les ramasseurs de champignons, les randonneurs…

La difficulté du diagnostic de la maladie de Lyme à ce stade vient du fait qu’elle atteint de nombreux organes en même temps et que, quand la plupart des signes apparaissent, la morsure de tique est habituellement guérie et oubliée : les personnes atteintes ne font donc pas nécessairement le lien entre la maladie et une morsure de tique.

Des techniques diagnostiques validées

Pour le diagnostic, il existe des techniques biologiques directes (examen au microscope, culture de la bactérie, PCR) dont l’objectif est de mettre en évidence la présence de la bactérie, ou son ADN spécifique, mais ces techniques ne sont pas très sensibles et leur positivité dépend de la localisation, y compris pour la PCR.

Le diagnostic est donc le plus souvent indirect, c’est-à-dire que l’objectif est de mettre en évidence la réponse de l’organisme à l’infection par la mise en évidence d’anticorps spécifiques dans le sang (ELISA et Western-Blot).

La technique de référence pour le diagnostic biologique de la maladie de Lyme est un test ELISA, si sensible, qu’il doit ensuite être mis en cohérence avec le Lyme par le Western-Blot (pour éliminer les faux positifs, comme par exemple ceux liés à la syphilis qui est une bactérie voisine).

Il ne s’agit pas d’une exception culturelle française et tous les grands pays recommandent cette même séquence, ainsi que l’ont rappelé les récentes recommandations anglaises. Même en Allemagne où certains médecins réalisent d’autres tests, les recommandations officielles sont identiques.

La séquence ELISA-Western-blot est fiable

Les performances minimales recommandées par les organismes européens pour le diagnostic biologique sont une spécificité de 90% en ELISA et de 95% pour le Western Blot.

Sauf au stade de l’Erythème Chronique (phase débutante) où l’ELISA n’est généralement pas encore positif (50% des cas), au stade disséminé précoce où il est positif dans 70 à 90% des cas et où il peut être nécessaire de le refaire 4 à 6 semaines plus tard, et en dehors des très rares formes disséminées tardives et séronégatives que l’on peut trouver chez les personnes profondément immunodéprimées, le diagnostic sérologique est toujours positif.

Une sérologie positive ne signifie donc pas forcément que des symptômes soient en relation avec une maladie de Lyme, mais traduit simplement un contact antérieur avec la bactérie sans qu’il y ait processus infectieux évolutif. On semble donc loin du sous-diagnostic de la maladie par les tests de référence, allégué par certains.

De plus, les « borrelia camouflées », qui se cacheraient du système immunitaire en s’enduisant de salive de tique ou en se mettant dans un état quiescent, n’existent que dans des études non contrôlées ou dans des conditions de laboratoire incompatibles avec la vie sur terre d’après les spécialistes du Centre National de Référence et des sociétés savantes.

Certaines techniques biologiques ne sont pas validées

L’examen direct de la bactérie au microscope dans le sang, ou « goutte épaisse », que l’on utilise par exemple dans le diagnostic du paludisme, a été conseillé par certains en France, et surtout en Allemagne, où des laboratoires d’analyses proposent cette technique. Pourtant, dans des études contrôlées, cet examen direct déclare positives autant de personnes malades que de personnes en bonne santé (nombreux faux positifs).

Certains pays utilisent d’autres tests déclarés « plus sensibles » mais surtout plus chers et non validés, comme le « Test de Transformation Lymphocytaire » (ou TTL). Leur avantage n’est pas toujours patent car leur efficacité diagnostique dépend des antigènes bactériens choisis, ainsi que de la population contrôle utilisée dans le test de validation. Leur évaluation reste mal faite avec des études de mauvaise qualité, une trop grande sensibilité et une mauvaise spécificité (nombreux faux positifs).

La question de la PCR

Un examen par « PCR » (ou « Polymerase Chain Reaction ») est considéré à tort comme la technique de référence. La PCR permettrait de mettre en évidence l’ADN (patrimoine génétique) de la bactérie dans tous les liquides et les tissus biologiques du corps où la Borellia pourrait se nicher ou aurait pu passer.

La PCR est une méthode « d’amplification de l’ADN », bactérien ou viral, qui est utilisée pour trouver, par exemple, le virus du sida. C’est une méthode très sensible et très spécifique (le risque de confondre une autre bactérie avec une Borrelia est faible), à condition d’être utilisée selon des normes strictes pour éviter le risque de contamination par d’autres matériels génétiques.

Mais Borrelia ne circule dans le sang que de manière transitoire et n’y reste pas : c’est pourquoi la PCR ne peut pas être considérée comme fiable quand elle est utilisée sur des prélèvements de sang, comme c’est régulièrement le cas dans d’autres pays européens, comme l’Allemagne. Par contre, elle peut être très intéressante quand un organe (peau, articulation) est touché spécifiquement par la maladie, par exemple, en cas d’épanchement de liquide articulaire (« arthrite »), on peut prélever le liquide synovial contenu dans les articulations pour l’analyser en PCR. En présence de problèmes neurologiques (« méningo-radiculite » ou « méningo-encéphalite »), la PCR dans le liquide céphalo-rachidien (prélevé par ponction lombaire) n’est pas très performante. La PCR est donc uniquement indiquée dans les cas douteux de lésion de la peau et des articulations, en particulier les malades avec discordance entre la clinique et la sérologie.

D’autres tests non validés existent

Le dosage du marqueur CD57 des cellules NK a aussi été proposé mais les dossiers d’évaluation manquent d’études de bonne qualité pour les conseiller et une étude indépendante réalisée par l’institut de la santé américain (NIH) a même montré une absence de spécificité.

Les tests de détection rapide (TDR) et d’auto-diagnostic semblent médiocres.

Une autre méthode appelée « Elispot », qui est habituellement utilisée pour le diagnostic de la tuberculose, est proposée par certains laboratoires d’analyses médicales. Ce test consiste à mettre en évidence des cellules du système immunitaire du patient qui auraient été en contact avec Borrelia. Mais il donne un nombre très élevé de résultats faussement positifs, et il n’a jamais démontré scientifiquement son intérêt pour le diagnostic de la maladie de Lyme. Les résultats de l’Elispot sont donc à prendre avec méfiance, et de plus, ils coûtent cher (environ 300 euros) et c’est, actuellement, un véritable business.

Cette analyse du BEH ne convaincra donc peut-être pas les opposants à la méthode de diagnostic de référence mais elle rassurera ceux qui font confiance aux différentes sociétés savantes d’infectiologie des Etats-Unis et des pays européens.

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