Lettre de Mme Michèle BAUDRY en réaction à l’article de l’Express du 31/ 07 /2018 : « Lyme ça suffit ! »

Lettre de Mme Michèle BAUDRY en réaction à l’article de  l’Express  du 31/ 07 /2018  : « Lyme ça suffit ! » (Bricaire, Gentilini)

Monsieur,

Permettez-moi de réagir à cet article paru hier, tribune rédigée par les Professeurs Gentilini et Bricaire : https://www.lexpress.fr/actualite/sciences/halte-aux-fantasmes-sur-la-maladie-de-lyme_2028508.html .

Je tiens à réagir ici en tant que malade de Lyme chronique, en mon nom, et pas uniquement en tant que représentante associative, et ainsi vous faire part d’un avis partagé par de très nombreux autres malades en souffrance atteints par une maladie vectorielle à tiques.

Tout d’abord, laissez-moi vous dire que ce pamphlet de l’anti-science me scandalise et me révolte au plus haut point, à défaut de m’étonner car connaissant parfaitement la position de ces Messieurs Académiciens sur ce sujet brûlant. Ce qui m’étonne, c’est que vous fassiez paraître un tel article, très loin d’être journalistique contrairement à d’autres que vous avez précédemment diffusé sur le sujet. Ce n’est pas de l’information, mais un parti-pris odieux digne d’un autodafé contre les malades. Pourquoi cautionner un tel tissus de mensonges ?

A sa lecture, je n’y vois que haine, mépris, accusations et sous-entendus proches de la diffamation, de même qu’atteinte à la dignité et au respect des malades. Et il s’agit là d’Académiciens ! Alors certes, l’époque où ces Messieurs ont prêté Serment (entre autres de ne pas nuire… et de confraternité avec leurs confrères) est très lointaine ; peut-être l’ont-ils déjà oubliée – à moins qu’un des effets néfaste de la canicule actuelle ait porté atteinte à leur jugement ? Mais ne seraient-ils pas censés faire preuve d’une certaine réserve, quant à des sujets qui visiblement les dépassent , plutôt que de cracher leur fiel à grand renfort d’invectives gratuites?

Il est de notoriété publique que l’Académie de Médecine et la SPILF (pour ne citer qu’eux) refusent obstinément les nouvelles Recommandations de la HAS pour la borréliose de Lyme et les autres MVT (Maladies Vectorielles à Tiques), s’insurgeant à qui mieux mieux depuis plus d’un mois dans des médias étant loin d’être « neutres ». Pourtant, et ne leur en déplaise, les faits sont là et établis : la maladie de Lyme « chronique » (terme auquel ces Messieurs semblent allergiques) est à présent reconnue, sous l’appellation de SPPT (symptomatologie/syndrome persistant(e) polymorphe après possible piqûre de tique ), de même que la réalité des co-infections (car, ils le disent eux-mêmes : tout n’est pas Lyme!), et ces Recommandations de bonnes pratiques, fruit d’un très long travail de plus d’un an – où ces mêmes sociétés savantes ont participé jusqu’à trouver un consensus, c’est un comble ! – sont une première grande avancée pour ces malades qu’ils osent brandir comme un étendard dans leurs propos abjects alors qu’ils ont toujours refusé de les soigner ! Combien de fois les ont-ils même traités de fous et envoyés en psychiatrie !

Car oui : les malades ayant bien trop souvent subi une longue errance et le mépris des services d’infectiologie qu’ils défendent, sont améliorés et parfois guéris lorsque leurs infections chroniques sont reconnues, diagnostiquées correctement, et prises en charge ! Se cacher derrière les prétendus risques d’un traitement allopathique lourd sur du long terme est un faux-prétexte et un mensonge pur et simple, un raccourcis qui dénote bien leur méconnaissance totale des traitements donnés. Il ne s’agit pas d’antibiothérapie sans interruption ! Et les autres substances (antiparasitaires, antifongiques, antipaludéens…) sont nécessaires et actifs ! Mais comment ces Académiciens prétentieux et infatués d’orgueil pourraient-ils le savoir puisque leurs « connaissances » sur les borrélioses datent de plus de 40 ans et qu’ils rejettent en bloc toute publication scientifique récente (même à l’international!), tout dialogue ou débat public avec les médecins compétents en charge des malades chroniques rejetés par leurs services, et qui arrivent finalement chez eux en fauteuil, en brancard, paralysés, atteints lourdement et gravement des séquelles de cette errance ou de faux-diagnostics (et traitements inadaptés!) ; et qu’ils refusent également tout contact avec les associations de malades qui sont les mieux placées pour témoigner de cet immense scandale sanitaire ! Les représentants de malades peuvent témoigner du nombre grandissant d’appels à l’aide, de situations dramatiques, et ils se chiffrent par milliers chaque année. Ces malades ne sont pas victimes d’un effet de 1 mode ou de l’influence d’internet et des réseaux sociaux, bien au contraire : leur maladie est réelle, les traitements les améliorent et les sortent d’un enfer sans nom ! Comment se fait-il, s’ils sont pris en charge par des charlatans ou des « gourous », que ces personnes guérissent et retournent ensuite travailler, quittent leur fauteuil roulant, retrouvent une vie familiale et sociale ? Il a bon dos, l’effet placebo ! Aller jusqu’à dénigrer la souffrance réelle des malades, considérer les maladies vectorielles comme une banale bronchite récalcitrante, ridiculiser des personnes qui n’en peuvent plus de tant de déni au point de vouloir en finir… mais c’est indigne de la Médecine ! Pendant que certains palabrent à tort et à travers, des malades meurent de Lyme et de ces infections chroniques mal traitées : c’est réel ! La nécessité de mettre un pacemaker à des trentenaires à cause d’une atteinte cardiaque, la cascade de maladies systémiques et auto-immunes qui découlent du non-diagnostic, des diverses atteintes viscérales, les maladies opportunistes qui s’y greffent, les conséquences de médicaments inadaptés tels que cortisone à haute dose… c’est réel. Il est criminel de le nier.

Le manque d’encadrement des traitements et de reconnaissance de la maladie – jusqu’à maintenant – , l’absence de recherche et surtout de financement, ont bien sûr ouvert la porte à des dérives et des abus dont les malades ont pu faire les frais. Les Recommandations de la HAS et ce qu’il va en découler avec la mise en places Centres Spécialisés MVT sont justement là pour palier à ces abus délétères, et les associations de malades veillent à ce que le Cahier des Charge soit respecté. Pourquoi, par la faute de certains, tenter de dénigrer tous les « médecins de Lyme » et mettre tout le monde dans le même sac ? Là aussi, au vu du parti-pris dans cet article contre le plus éminent spécialiste de la maladie de Lyme et des autres MVT – bien qu’il ne soit pas nommé, évidemment ! – les arguments avancés n’ont rien de scientifique mais tout du règlement de compte personnel. C’est bien bas ! Existe-t-il un seul malade tiré d’affaire qui puisse se plaindre de la façon dont il a été soigné, sauvé même, par celui que ces Académiciens couvrent d’opprobre ? Il serait de bon ton de ne pas tout confondre. L’Académie de Médecine nous avait habitué à plus de rigueur…

Il est nécessaire de rappeler à ces Messieurs que, ne leur en déplaise, ces Recommandations de la HAS font d’ores et déjà autorité (certaines réponses récentes à l’Assemblée de la part du Ministère de la Santé en font d’ailleurs mention), enterrent le précédent Consensus de 2006 ayant contribué à rendre tant de malades chroniques, et seront publiées sur le site du Ministère de la Santé et de la CNAM. Ces Messieurs peuvent protester tant qu’ils le voudront, c’est eux qui perdent toute crédibilité et finiront par se couvrir de honte.

Et les malades attendent. Mais les malades se mobilisent, se regroupent. Les associations de malades se professionnalisent et sont entendues en haut lieu, leur qualité d’experts reconnue. Les malades sont de plus en plus visibles (et les derniers chiffres de l’INVS faisant état de 55 000 nouveaux cas par an sont bien en-dessous de la réalité… ce que les traitements d’épreuve sur sérologie négative à présent autorisés finiront par faire éclater au grand jour). Lyme n’est plus considérée comme une maladie rare. Le SPPT est un fait avéré.

Il est temps pour ces Académiciens de savoir reconnaître humblement qu’ils ont eu tort, et qu’ils ont perdu la bataille.

Merci de m’avoir lue.

Madame Michèle BAUDRY
Malade de Lyme et d’une Babésiose chronique

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