Maladie de Lyme : Saisine d’un Préfet pour le déclenchement d’une procédure disciplinaire à l’encontre d’un Président du CDOM (ordre des médecins)
Published on 2018 M11 2
Thomas Benages
Associé Fondateur AURAVOCATS
Un Président départemental du Conseil de l’Ordre des Médecins viole-t-il le code de déontologie médical en incitant les médecins de son département à ne pas appliquer des Recommandations de Bonne Pratique publiées par la Haute Autorité de Santé ?
Le 20 juin 2018 la Haute Autorité de Santé (HAS) a publié des recommandations de diagnostic et de prise en charge concernant la maladie de Lyme afin d’améliorer la qualité des soins des patients atteints de cette maladie transmise par les tiques.
Le 20 septembre 2018, le président d’un Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins (CDOM) a envoyé un courrier à tous les généralistes de son département , les invitant à ne pas suivre les dernières recommandations de bonne pratique de la HAS en se prévalant de la SPILF (Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française) qui, n’a pas validé les recommandations.
Ainsi, ce courrier jette un discrédit énorme sur une autorité de santé indépendante, la Haute Autorité de Santé, dans le cadre d’un Protocole National de Diagnostic et de Soins (PNDS) faisant partie intégrante du Plan Ministériel « Borreliose de Lyme et autres maladies vectorielles à tiques », initié en 2016.
Par ce courrier le Président du CDOM demandait également aux généralistes du département concerné de se méfier des médecins spécialistes de la maladie de Lyme au motif qu’il n’existe aucun diplôme en la matière. Enfin ce courrier met également en garde « les médecins qui seraient sollicités par des patients pour consulter des spécialistes de la maladie de Lyme ».
Se pose dès lors la question de savoir si, par ce courrier, ce Président départemental du Conseil de l’Ordre des Médecins est :
- en infraction avec l’article 12 du code de déontologie médicale qui prévoit que le médecin doit apporter son concours à l’action entreprise par les autorités compétentes en vue de la protection de la santé et de l’éducation sanitaire ?(il peut en effet être considéré que ce courrier, en discréditant les Recommandations de Bonne Pratique publiées le 20 juin par la Haute Autorité de Santé entrave l’action entreprise par les autorités compétentes en vue de la protection de la santé, pour ce qui concerne la maladie de Lyme).
- en infraction avec l’article 60 du code de déontologie qui prévoit que le médecin doit proposer la consultation d’un confrère dès que les circonstances l’exigent ? (comment proposer la consultation d’un confrère si le Président du conseil de l’ordre invite les médecins à se méfier de leurs confrères ?).
- en infraction avec l’article 6 du code de déontologie qui prévoit que le médecin doit respecter le droit que possède toute personne de choisir librement son médecin, et qu’il doit lui faciliter l’exercice de ce droit ? (comment faciliter le droit des patients de choisir librement un médecin si le Président d’un ordre des médecins met en garde les médecins qui seraient sollicités par des patients pour consulter des spécialistes de la maladie de Lyme ?).
Comment obtenir réponse à ces légitimes questions de santé publique ?
La particularité de cette affaire est qu’il est impossible, pour un malade ou une association de malades de saisir directement le Conseil de l’Ordre des Médecins pour savoir si un courrier envoyé par un de ses membres, en l’occurrence, son Président, est en infraction avec le code de déontologie.
L’ article L 4124-2 du code de la santé publique prévoit ainsi que les médecins appartenant à un Conseil de l’Ordre ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire du Conseil de l’Ordre , à l’occasion des actes commis dans l’exercice de cette fonction, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l’Etat dans le département, le directeur général de l’agence régionale de santé ou le procureur de la République.
En l’espèce, L’association Chronilyme, représentée par le cabinet AURAVOCATS (Me Bénagès) a donc été contrainte, en octobre 2018, de demander au Préfet du département concerné par le courrier litigieux, de saisir la Chambre Disciplinaire de Première Instance du Conseil Régional de l’Ordre des Médecins de Rhône-Alpes par le dépôt d’une plainte pour violation, ou incitation à la violation des articles 6, 12 et 60 du code de déontologie.
Ainsi, pour savoir si un Président départemental du Conseil de l’Ordre des Médecins viole le code de déontologie médical en incitant les médecins de son département à ne pas appliquer des Recommandations de Bonne Pratique publiées par la Haute Autorité de Santé, il n’est pas possible pour une association de malades de saisir elle-même le Conseil de l’Ordre en raison de la protection dont jouit le Président du Conseil de l’Ordre en vertu de l’article L4124-2 du Code de la Santé Publique.
La réponse à cette question fondamentale dépend donc du bon vouloir d’un Préfet de saisir le Conseil Régional de l’Ordre des Médecins.
Nous ne manquerons pas de vous tenir informés des suites que le Préfet voudra bien donner, ou non, à cette saisine.
AURAVOCATS