Tiques et Lyme : les liaisons dangereuses

Article : METRO /Belgique

06/10/2018

Hantise des naturalistes de terrain, les tiques et les maladies qu’elles transportent restent encore hélas trop mal connues. Une récente étude a ainsi mis en évidence le rôle positif que peut jouer le renard dans leur régulation. Des propositions de recherche ciblées existent cependant. Reste à les financer.

La maladie de Lyme (ou borréliose de Lyme) est causée par des bactéries du genre Borrelia, transmises par la morsure d’une tique infectée. Elle est considérée comme la zoonose la plus fréquente dans l’hémisphère nord. En Belgique, le nombre de nouveaux cas avérés a augmenté au cours de la dernière décennie, pour atteindre 2 000 cas sur la seule année 2016. Cette maladie, bénigne si elle est traitée dans les semaines suivant la primo-infection, peut, en l’absence de traitement, évoluer vers une maladie chronique, associant des symptômes graves tels que des troubles neurologiques et cardiaques ou encore des paralysies partielles. Il est donc crucial d’en détecter les signes avant-coureurs.

Un lacis d’espèces et d’habitats
La maladie de Lyme est le résultat de l’interaction de trois acteurs principaux: le pathogène (la bactérie), le vecteur (la tique) et le réservoir (différentes espèces de mammifères et d’oiseaux). En Europe, l’espèce vectrice la plus commune est la tique du mouton Ixodes ricinus. Pour que cette tique soit infectée par la Borrelia, il faut qu’elle se soit nourrie sur un hôte contaminé, capable de lui transférer la bactérie. Chaque espèce hôte présente une série de caractéristiques qui la rend plus ou moins «compétente» en tant que réservoir de pathogènes.

En Belgique, le muscardin, le lérot et le merle noir sont parmi les plus compétents. Les mulots, le campagnol roussâtre, le cerf ou encore le chevreuil, bien que moins compétents, sont plus communs et jouent donc eux aussi un rôle important dans la propagation de la bactérie. Les larves et les nymphes de tiques préfèrent se nourrir sur les rongeurs et, en moindre proportion, sur les oiseaux nichant au sol et les lézards. Par contre, les tiques adultes vont préférer les grands mammifères, sur lesquels elles vont aussi effectuer leur reproduction.

Renard: un «nuisible» fort utile

L’environnement dans lequel évolue la tique est donc important puisque la présence de ses différents hôtes est indispensable à son cycle complet. Une meilleure connaissance scientifique concernant les relations complexes existant entre toutes ces espèces est ainsi essentielle. Et pourtant, elle manque encore cruellement à l’heure actuelle à différents niveaux. À titre d’exemple, une étude scientifique néerlandaise a récemment montré que la présence du renard roux diminuait la densité de tiques infectées au sein de parcelles forestières.

Les auteurs expliquent cette corrélation non pas par un effet direct de prédation, mais par le fait que la présence du renard pousse les petits mammifères à adopter un comportement plus peureux, réduisant ainsi leur activité quotidienne pour éviter de tomber nez à nez avec leur prédateur. L’activité réduite de ces petits mammifères va limiter le taux de rencontres avec les tiques, donnant moins de chances à ces dernières d’effectuer leur repas sur un individu infecté. Il en découle une diminution de la densité de tiques infectées mais aussi de tiques de manière générale. Le renard roux, persécuté depuis des décennies, s’avère donc être une espèce clé dans la lutte contre la maladie de Lyme et les surpopulations de tiques!

Stratégies de lutte encore incomplètes

Différents moyens de lutte contre la maladie ont vu le jour avec des résultats plus ou moins satisfaisants. En Belgique, le projet Tiquesnet permet à tout citoyen de signaler, via une application ou par Internet, la localisation géographique où une morsure de tique a eu lieu. Cet outil très pratique a ainsi permis de collecter une mine d’informations sur la distribution des tiques en Belgique. Cependant, les informations restent encore très peu fournies en Wallonie concernant la distribution exacte des zones où les tiques sont les plus infectées par la bactérie Borrelia. Un travail énorme de cartographie des régions les plus à risques pour contracter la maladie est ainsi encore à effectuer.

Bien qu’il existe un vaccin pour chien contre la maladie de Lyme, aucun vaccin pour l’homme n’a jamais prouvé son efficacité. Quant aux méthodes de détection de la maladie de Lyme utilisées actuellement dans les hôpitaux, elles se basent principalement sur des diagnostics sérologiques visant à mettre en évidence la présence de certains anticorps spécifiques à la Borrelia. Plusieurs études ont cependant démontré l’existence d’un nombre très élevé de faux négatifs et de faux positifs, remettant en cause l’efficacité de ces diagnostics. Le manque de fiabilité de ces tests diagnostiques constitue donc un problème critique pour les patients: ils ne se voient pas offrir de traitement immédiat, alors que cette maladie est d’autant plus facilement traitée quand le patient est pris rapidement en charge.

En l’absence de diagnostic fiable, la meilleure façon de se prémunir contre cette maladie reste donc d’être attentif à la présence de tiques attachées après chaque sortie dans la nature.

À l’Université de Liège, notre laboratoire s’est spécialisé dans la détection de la Borrelia sur la base génétique, que ce soit chez l’humain ou chez les différentes espèces, vectrices (tiques) comme réservoirs (rongeurs, ongulés). Cette méthode novatrice, qui a déjà prouvé son efficacité, n’a pourtant pas encore reçu les fonds gouvernementaux nécessaires à son développement…

Adrien André et Johan Michaux / Laboratoire de génétique de la conservation de l’Université de Liège (GeCoLab)

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